Cédric Persan, alias Aniki, ne s’est pas pris d’emblée de passion pour la vape. Au début, il voulait juste arrêter de fumer. “J’ai fait un premier essai en 2008, explique ce natif de Nouvelle-Calédonie installé dans le Sud de la France, mais ce n’était pas concluant. Puis, plus tard, il fallait vraiment que j’arrête de fumer, parce que ça n’allait plus du tout. J’ai tout testé, les patchs, les médicaments, rien à faire. Au contraire, après chaque essai, je fumais encore plus qu’avant, j’en étais rendu à presque deux paquets par jour.”
Essaie encore
En 2011, c’est la deuxième tentative avec la vape, qui a entre-temps fait des progrès. “Le 21 septembre 2011 précisément.”. C’est Audrey, compagne d’Aniki à la ville comme au travail, qui souffle la réponse sans hésiter. Parce qu’Animodz, c’est un duo dans lequel la discrète Audrey est indispensable.
“Et là, ça a marché, poursuit Aniki. En quatre jours, fini, je ne fumais plus.” Quasi-simultanément, il devient modeur. “En fait, au début, j’avais un problème d’autonomie. Je suis passé de la 510 à l’eGo, et quelques jours plus tard, l’eGo Tank de Joyetech est sorti. Là, ça n’allait pas, le résultat n’était pas top, ça fuyait… L’eGo Tank est le premier atomiseur que j’ai démonté.”
Les premiers pas
Aniki se lance alors dans une recherche de pièces et refait un eGo Tank “maison” avec ce qu’il trouve. “C’était le premier pas. Le second, ç’a été un tuto que j’ai fait sur le grand forum pour montrer ce que j’avais fait, transformer un eGo Tank en genesis. J’expliquais comment le refaire. On a même organisé une commande groupée des pièces.”
Mais Aniki veut aller encore plus loin. “Un ami m’avait donné une barre d’alu, je m’en suis servi pour fabriquer mon premier atomiseur fait maison. Tout à la Dremel ! J’ai tellement galéré que je suis allé m’acheter un petit tour de précision.”
Et Aniki est motivé. “Ce n’était pas du tout un tour adapté. Aujourd’hui, avec, je ferais des drip tip, et si j’arrivais à en sortir cinq par jour, ce serait beau ! Mais à l’époque, c’était tellement mieux que ma Dremel. J’ai passé six mois à faire des recherches, à regarder des tutoriaux sur Internet, pour apprendre à bien m’en servir, savoir quel outil était le mieux adapté, etc.”
La montée des marches
Et la légende selon laquelle Aniki a commencé sous son escalier… est vraie. “Au début, j’avais installé le tour dans le salon de notre appartement. Il fait 35 m², j’ai vite vu que ça allait poser problème. Ce n’était pas adapté, il y avait de la limaille partout… Dans notre immeuble, il y avait un petit cagibi sous l’escalier, je me suis installé là, dans le couloir.” Et c’est donc dans un couloir, sous un escalier, qu’est né Animodz.
Il faut dire qu’Aniki a toujours été attiré par le travail de précision. “J’étais prothésiste dentaire, avant de me lancer à temps plein dans le moding. J’aimais bien travailler des petites pièces, différents matériaux.” Un goût pour la précision qui ne date pas d’hier. “J’ai fait beaucoup de maquettisme et de modélisme, je bricolais sur les moteurs des petites voitures thermiques, j’ai toujours aimé ça”, confesse Cédric Persan.
Bricoler, améliorer les petits et les grands modèles. Aniki est aussi un passionné d’automobile. “Là, j’ai une BMW E46 et une Twingo CSV, toutes les deux modifiées, confie-t-il. C’est vrai qu’aujourd’hui, les moteurs encapsulés, l’électronique, etc., on ne peut plus faire tout ce qu’on veut. Mais j’ai des modèles un peu anciens, où il est encore possible d’intervenir, et je suis bien équipé, donc ça va.”
Aniki continue d’apprendre à se servir de mieux en mieux de son tour, et reste en même temps sur le forum, en contact avec d’autres passionnés et des modeurs, devenus pour beaucoup des amis. “Et puis, on m’a dit qu’il serait peut-être temps de me lancer.”
Animodz en liberté
Le premier Animodz est le Slim Dog, suivi du Dog et du Reservoir Dog. “C’était un atomiseur top coil basique, que je continuais d’améliorer et sur lequel je faisais des essais. Et puis, à un moment, faire à chaque fois le réservoir, qui n’était pas vraiment utile pour les tests, c’était pénible, alors j’ai fabriqué un ato avec juste la chambre d’atomisation.” Un prototype de travail purement technique pour tester les chambres d’atomisation, mais…
“Je l’ai testé et je me suis dit que ça marchait super bien. Je l’ai fait tester à Audrey qui a adoré aussi. À l’époque, le reconstructible, ce n’était vraiment pas répandu, beaucoup de gens, quand on leur en parlait, disaient : ‘Ouh là, ça a l’air compliqué, non, laisse tomber.’ On s’est rendu compte qu’on pouvait leur proposer un petit atomiseur tout simple, pour débuter, mais avec un bon rendu, pour 35 € à l’époque. Sur le forum, on a fait un paquet d’heureux.” Et c’est ainsi que ce petit atomiseur d’essai est devenu le Chiwawa, appelé à devenir un dripper saveur de référence pendant plusieurs années.
Les premières ventes se font sur le forum. “C’était ingérable, souligne Aniki, alors un ami nous a fait un site Internet. On était super fiers, nous étions parmi les premiers modeurs à avoir notre site.” Avec son lot de joies, mais aussi de sueurs froides. “Il y avait un bug et le site comptabilisait mal les atomiseurs vendus. En fait, on en rentrait 10 en stock, et il en vendait 19.”
Le cauchemar d’Aniki. “J’ai toujours détesté travailler sur commande. Ma méthode est simple, je fabrique, et je vends ce que j’ai. Travailler sous commande me stresse, je suis toujours persuadé de louper l’atomiseur. Là, avec les commandes en plus du site non seulement j’étais sous pression, mais en plus, nous étions obligés de nous excuser platement auprès des clients.” Le site est toujours en ligne, mais grandement amélioré, à commencer par la correction du bug.
Priorité aux atomiseurs
Aujourd’hui, Animodz propose surtout des atomiseurs. “Les mods méca, c’est bien, mais c’est difficile à écouler. Quoique ça semble revenir. Mais je reste limité techniquement dans ce que je voudrais faire, j’ai toujours des switchs complexes avec une vingtaine de pièces, et c’est vrai aussi que ce qui marche le mieux, ce sont les switchs simples avec deux ou trois pièces.”
Alors comment se passe la conception d’un atomiseur ? “On est tout le temps occupé. Même quand on ne travaille pas sur Animodz. D’ailleurs, on est tout le temps surbookés. Là, avec la sortie de l’ato, par exemple, on commence notre journée à huit heures et on finit à une heure et demie du matin, où on est encore en train de les assembler. Au bout d’un moment, je ressens le besoin de créer.”
Et la méthode d’Aniki n’a pas changé depuis qu’il a démonté son eGo Tank pour la première fois. “Je reprends d’anciens dessins, et je me demande ce que je peux améliorer. Ça dure 6 mois, en moyenne, à raison d’une à deux heures par jour sur mon logiciel de dessin. Puis vient la phase du premier prototype en quelques exemplaires, que j’envoie à des bêta testeurs que je connais, et qui me font remonter leurs remarques et suggestions. Souvent, il n’y a pas besoin de deuxième prototype.”
Il y a une patte Animodz, reconnaissable entre mille. Quand on voit l’atomiseur, on sait que c’est lui, et quand on vape avec, on en est certain. “Pour le design, je n’ai pas de recette. Je cherche juste à chaque fois à faire le plus compact possible. Après, pour la vape, il faut que l’ato me plaise à moi. Que ce soit ma vape. Et je sais qu’il y a des fidèles qui aiment cette façon de vaper. Comme ça, à chaque fois, je sais que si l’ato me plaît à moi, il leur plaira aussi.”
Et il y a des motifs de fierté. “Quand j’arrive à impressionner les amis, je suis vraiment content”, sourit Aniki.
Inspiration et conception
C’est une part de la vape française qui se retrouve dans chaque Animodz. “Je suis toujours en contact avec d’autres modeurs, j’échange des trucs et astuces. On est un petit groupe, qui s’est créé par affinités. Par exemple, j’échange avec Yannis (Thiroux, ndlr), anciennement Picolibri, tous les jours, ce qui nous a amenés à faire une collaboration. Pour le Little Bastard, je séchais sur un problème technique, et c’est durant une conversation avec Robin (Guillaume, ndlr), de Volute Modz, que j’ai trouvé la solution.”
Aniki s’est fait une place sur la scène du moding mondiale, pour preuve, chacun de ses atomiseurs est cloné dès sa sortie. Le sujet l’agace. “Franchement, le clonage chinois, c’est juste le fric pour le fric, ça n’a aucun intérêt”, déplore-t-il.
Plus complexe, la question de l’inspiration. “Je crois avoir été le premier à faire un système de deck surélevé en chambre immergée, précise Aniki. En tout cas, avant, j’ai cherché, je n’ai jamais trouvé. Après la sortie du 2K16, tous les atomiseurs à chambre immergée ont repris le système. Au début, je l’ai mal vécu. Même s’il est sorti en 2016, la conception du 2K16 est bien antérieure, je travaillais dessus depuis 2013. À l’époque, c’était juste pour résoudre un problème de place, dans un petit atomiseur où je ne disposais que de 9 millimètres.”
Puis, Aniki se fait une raison, et y trouve même un motif de satisfaction. “Quelque part, je me dis que j’ai apporté ma petite pierre à l’histoire de la vape”. Un peu modeste : il en a construit tout une aile, plutôt.
On fait le bilan ?
Selon Aniki, l’évolution de la vape va ralentir. “C’est de plus en plus dur d’innover, on commence à faire le tour de la question. Mais on améliore, on apporte chacun son petit grain de sable. Au moins, on ne vape plus sur eGo Tank ! s’amuse-t-il, ça m’a traumatisé, ça !”.
Sa création préférée reste le très confidentiel DoggyStyle Hybrid. “C’était un 14500. J’en ai fait vingt-deux et j’en ai gardé trois pour moi. Il m’en reste encore deux tout neufs !” De quoi faire des envieux. Le préféré des amateurs est le tout nouveau Little Bastard. “On m’a dit que c’était le plus bel ato que j’aie fait.”
Aniki a-t-il des regrets ? Aurait-il fait différemment ? Non, il ne regrette rien. “La seule chose, c’est que les deux premières années ont été un peu frustrantes, admet-il. J’ai vite atteint les limites de mes machines. Quand j’ai pu sous-traiter, ça m’a permis d’assouvir ma passion de créer et de faire des choses plus poussées.”
Lors du dernier Vapexpo de Villepinte, Aniki s’est vu décerner l’award du meilleur modeur, catégorie atomiseurs, une consécration. “Ça m’a fait quelque chose, confie-t-il. On me l’avait dit dans l’après-midi, mais ça n’a rien changé, quand j’ai entendu mon nom, que je suis monté sur scène, devant tout le monde, j’ai vraiment été ému. C’était une reconnaissance du travail accompli pendant toutes ces années.”
Il a d’ailleurs conscience d’être un grand ancien du moding français, et un modeur solidement établi et respecté dans le paysage. “On a eu une ascension douce, souligne-t-il. On n’a pas explosé dès le début comme certains, qui sont rapidement devenus très gros, mais qui n’existent plus, comme Gpaps par exemple. C’est vrai qu’au début, on aurait bien aimé, mais on s’est rendu compte qu’au final, c’était mieux comme ça, ça nous permettait de nous développer tranquillement. On a eu une ascension douce, mais régulière. Chaque année était mieux que la précédente.”
Tout se déroule finalement pour le mieux pour Animodz. “Je suis heureux de ne pas avoir eu une ascension fulgurante. Je suis content de comment ça s’est passé. C’est ce qui nous a permis d’être encore là au bout de sept ans.” Et encore pour longtemps, n’en doutons pas, tant Animodz est devenu une institution.